Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !
Arthur Rimbaud, Cahier de Douai (1870)
La beauté d’une photographie se constitue grâce à trois angles primordiaux : le cadre, la luminosité et son. Ma Bohème. Œuvre de Gokhan Altintas Photography réalisée avec sa muse Natalya Kushnir sur les bords de Seine à Paris.
Agathe –
j’ai besoin d’aide pour répondre à des questions sur ce poème:
1 De quoi le poème parle-t-il?
2 Comment pouvez-vous justifier ce que vous avez compris?
3 A votre tour, évoquez un lieu qui vous enchante et vous rend joyeux.
Agathe –
Long et peu compréhensible à 12 ans.
Dominique –
Comme beaucoup, ceux qui ont eu le bonheur d’étudier ce poème restent fascinés par la puissance et le sens des mots. Indélébile dans ma mémoire, je me le récite à l’envi tellement il évoque le voyage, la rencontre, la recherche de la liberté et la plénitude. Quel jeune poète de génie !
Salomé –
Quel poème merveilleux, une époque, un enfant, une innocence, une joie totale dans ce que nous appellerions « misère », mais le bonheur à l’état pur. Un diamant si pur, si clair, ne pouvait être écrit que par Rimbaud. Chaque fois que je le lis, mon cœur s’emballe, mon souffle se coupe et quelque chose me prend aux tripes, comme s’il parlait directement à travers moi. C’est cela, écrire comme personne ne peut écrire : vos phrases vous font revenir.
Mathys –
Arthur Rimbaud est l’un des seuls poètes que j’aime bien dans ceux que l’on étudie en classe. Sinon, nous étions Baudelaire, donc drogue, poison, sexe, horreur… Cela fait du bien de voir un peu de positif !
Emmanuel –
Un pied près de mon cœur est une allusion sexuelle. Voir les études d’Etiemble et lire pour s’en convaincre la pièce anticléricale « un cœur sous une soutane ». Pour pouvoir refermer les lacets de ses souliers il doit ramener son pied près de son cœur. Les poèmes de Rimbaud de cette période se terminent souvent par une chute brutale (ex. Le Dormeur du Val).
Délicieuse Marie –
Cocojade, Non, en fait, c’est plus subtil : Rimbaud ne parle pas du « pied » pour marcher ! Il désigne en fait le « pied », qui est une unité rythmique en poésie (l’équivalent des syllabes, je crois). Jeu de mot…